L'article à lire pour comprendre la crise au Soudan, en proie à de violents affrontements
L'article à lire pour comprendre la crise au Soudan, en proie à de violents affrontements

L'article à lire pour comprendre la crise au Soudan, en proie à de violents affrontements

Le conflit qui a éclaté le 15 avril entre l’armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) déstabilise tout le Soudan, dont un tiers de la population souffre déjà de la faim. Le bilan était d’au moins 700 morts après trois semaines de violences, selon l’Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled), une ONG observant les conflits. En réalité, il pourrait être bien plus élevé. 

Les affrontements sont venus fragiliser un peu plus cet Etat du nord-est de l’Afrique, qui a connu deux guerres civiles et une série de conflits internes, comme au Darfour et lors de la sécession du Soudan du Sud en 2011. En 2019, un mouvement de protestation avait provoqué la chute du dictateur Omar el-Béchir, après trente ans au pouvoir. L’armée et les FSR ont contribué à sa destitution, mais ces forces ont ensuite mené un coup d’Etat. Leur récente confrontation est venue porter un nouveau coup d’arrêt à la transition vers un régime civil.

Qui sont les belligérants ? 

Deux hommes s’affrontent au Soudan : le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête de l’armée (et du pays), et son numéro deux, Mohamed Hamdane Daglo (dit “Hemedti”, un surnom pour Mohamed), le leader des Forces de soutien rapide, considéré comme l’un des hommes les plus riches du pays. 

Mohamed Hamdane Daglo, le chef des FSR, est un ancien marchand de chameaux venu du Darfour. Il était le leader de l’une des milices Janjaweed, employées par Omar el-Béchir pour réprimer une rébellion au Darfour dans les années 2000. Les Forces de soutien rapide sont nées de ces milices. Elles “sont issues de tribus nomades appauvries par la désertification”, commente Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS et à l’Université de Tours (Indre-et-Loire). Ces miliciens ont travaillé comme “gardiens de la frontière : ils contrôlaient le trafic et s’enrichissaient en prélevant de l’argent et des marchandises au passage.”

C’est “un homme d’affaires tout à fait avisé, qui a su profiter des facilités du pouvoir et a fait des investissements très rentables à l’étranger”, ajoute Roland Marchal, chercheur au CNRS et au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po. L’engagement de membres des FSR au Yémen et l’extraction de l’or l’ont particulièrement enrichi, relève le New York Times*. 

Face à lui, le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête de l’armée, est issu d’un village de la vallée du Nil et a été commandant des forces armées au Darfour. Les deux hommes se connaissent depuis longtemps, et leurs troupes “ont de longs antécédents de violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme”, souligne l’ONG Human Rights Watch*. 

Comment sont-ils arrivés au pouvoir ?

Les rivaux travaillaient main dans la main depuis quatre ans. Le général al-Burhane et Hemedti ont œuvré ensemble à la destitution d’Omar el-Béchir en 2019, après des mois de contestation populaire. “Les forces de Hemedti ont arrêté el-Béchir”, pointe Roland Marchal. Elles ont aussi, avec l’armée, réprimé des manifestations de civils. 

A l’été 2019, un accord pour le partage du pouvoir entre civils et militaires a été trouvé. Al-Burhane et Hemedti ont pris la tête du Conseil de souveraineté, chargé de superviser la transition vers un régime civil. Deux ans plus tard, à l’automne 2021, ils ont été à l’origine d’un coup d’Etat et renversé Abdallah Hamdok, alors Premier ministrePour Roland Marchal, ce putsch exprimait une “colère” des forces armées face aux reproches d’acteurs civils, notamment sur les privilèges économiques des militaires.

Pour quelles raisons s’opposent-ils ? 

Depuis leur coup d’Etat de 2021, les deux généraux dirigeaient le Soudan, mais leur union relevait plutôt d’un “mariage sans amour”, pointe un responsable étranger auprès du New York Times*. 

Leur conflit est entre autres “le résultat d’une mésentente sur l’intégration des forces paramilitaires [les FSR] dans l’armée”, explique Marc Lavergne. Cette mesure est une condition importante du retour à la transition démocratique. Un accord pour reprendre ce cheminement vers un pouvoir civil avait été signé en décembre 2022 entre des partis politiques et l’armée. Mais al-Burhane et Hemedti ont été incapables de s’entendre sur les conditions de cette intégration. Avec l’inclusion des FSR dans les forces armées, Hemedti ne risquait-il pas de perdre son indépendance face à al-Burhane ? Le chef des FSR accusait en outre l’armée régulière d’être infiltrée par des islamistes. 

Dans la lignée de la chute d’el-Béchir en 2019 et du putsch de 2021, une lutte de pouvoir s’est jouée entre les deux alliés devenus adversaires. 

“Hemedti occupait jusqu’alors un rôle périphérique dans le pouvoir de l’armée. Il s’est retrouvé avec un certain pouvoir de décision, et on a assisté à la naissance d’une ambition politique. Il s’est rendu compte qu’il était devenu prisonnier d’al-Burhane.”

Roland Marchal, chercheur au Ceri et au CNRS

à franceinfo

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